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NoirsPolars

Fantôme de Jo Nesbø : Norvège sous influence

6 Juin 2013 , Rédigé par Daniel Marois Publié dans #Fantôme, #Jo Nesbo, #Polar, #Norvege, #DANIEL MAROIS

« L’homme est une espèce pervertie et blessée. Et la guérison n’existe pas, il n’y a que le soulagement. » Jo Nesbø ne se lasse pas de mettre en péril la vie de son personnage principal, Harry Hole. Dans Fantôme, son héros pourrait bien ne jamais s’en remettre.

L’ex-inspecteur de police, Harry Hole, vit désormais à Hong Kong depuis trois ans. Il n’a plus revu Rakel, la femme qu’il aimait. Mais il est de retour à Oslo avec une seule idée en tête : pousser l’enquête le plus loin possible pour démontrer que le fils de Rakel, Oleg, arrêté pour meurtre, fait un faux coupable idéal, que les véritables meurtriers tentent de lui faire porter le chapeau. Harry va parvenir à lever tellement de pistes que les policiers corrompus, la mairie et les cartels vont tout tenter pour le réduire à néant, le briser et le neutraliser définitivement. Fantôme va laisser le héros de Jo Nesbø plus mort que vif.

Comme c’est devenu coutumier dans les romans du Norvégien, l’ex-inspecteur Harry Hole se met en danger et s’en prend plein la gueule, rendant coup pour coup, défendant chèrement sa peau. Seulement, cette fois, Hole vieillit et n’a plus la résistance d’autrefois ni la sagesse de se soustraire aux épreuves.

Si la première partie du roman est lente ̶ même un peu désespérante, je dirais ̶ une fois l’intrigue installée, le rythme s’accélère et Nesbø y va de retournement en retournement jusqu’à la conclusion qui laisse le lecteur pantois.

Harry Hole n’est plus le turbulent inspecteur qu’il était. Sobre et sevré, il ne s’emporte plus comme autrefois. Il s’est assagi… mais pas tant que ça! Dans la seconde partie du polar, il succombe à ses vieux démons et redevient fantasque, violent, imaginatif et buté. On ne change pas. Demeurant fidèle à son esprit policier, la vérité importe plus que tout, plus que sa vie même. Peu importe les conséquences ̶ et elles seront majeures ̶ la vérité l’emportera.

Le plaisir Nesbø est toujours au rendez-vous avec de l’action plein les chapitres, des rebondissements de situation et de fausses pistes habilement semées qui rendent à peu près impénétrables la découverte du ou des coupables, et par le fait même la découverte des innocents, car chez Nesbø la zone grise prédomine.

Jo Nesbø profite de son statut de grand écrivain international pour déboulonner quelques mythes sur la Norvège, critiquant sa société et la social-démocratie à la scandinave : la corruption des institutions à tous les échelons, la présence de plus en plus importante des drogues dures et de ce qui s’ensuit, vol, violence, surdose, suicide. La population n’échappe pas non plus aux qualificatifs : riche et paresseuse; servile, corrompue, bornée… La belle Norvège est bafouée de toutes parts.

Le plus grand romancier norvégien possède un ton incisif. Tout en action, ses romans ne tablent pas sur les relents du passé qui viennent hanter la plupart des personnages des auteurs nordiques. Jo Nesbø, c’est la vie ici et maintenant. Net, sec, précis et sans fioritures.

Fantôme ne parvient cependant pas à soulever la même passion que Le Bonhomme de neige ou Le Léopard, par exemple. Après plus de dix ans avec son héros, Harry Hole, on sent un essoufflement. Comme bien des auteurs de séries avec des personnages récurrents, Jo Nesbø ressent peut-être un peu de lassitude envers sa créature… Un besoin de changement, doublé d’une obligation envers ses fans, un genre de syndrome Sherlock Holmes? Quoi qu’il en soit, ce nouvel épisode ramène un Harry Hole en pleine forme bien que vieillissant et débarrassé de tout ce qui minait sa vie en Norvège.

Il y a certes quelques petites taches dans la construction, de légères invraisemblances, mais à l’image de son héros imparfait, ces imperfections rendent le polar encore plus sympathique. Nesbø n’appuie pas le squelette de l’intrigue sur ces invraisemblances.

Avec Fantôme, Jo Nesbø ajoute un chapitre presque final aux aventures de son célèbre héros. Une aventure qui saura certainement plaire à ses fidèles lecteurs. Ce n’est pas le meilleur de la série, mais en terme de qualité, c’est quand même largement supérieur à la production romanesque moyenne.

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