Polar corrompu Les Chiens du désert de T. Jefferson Parker
Daniel Marois , Huffington Post Québec Publication: 26/04/2013 12:38
Corruption, trahison et meurtres au pays de l’oncle Sam ! Les Chiens du désert de T. Jefferson Parker, le retour du chevalier blanc Charlie Hood aux prises avec la laideur triomphante de la malversation.
Le personnage de Charlie Hood a fait son apparition dans un polar précédent (Signé Allison Murrietta). C’est un policier de Los Angeles qui se cherche. D’abord aux homicides, il devient patrouilleur, shérif adjoint, puis se retrouve enquêteur aux affaires internes, un département où les amitiés sont plutôt rares…
Charlie Hood patrouille en banlieue de la grande ville avec son nouveau collègue Terry Laws lorsqu’ils tombent dans une embuscade. Laws meurt de plusieurs balles alors que Hood s’en sort indemne. Pour venger la mort de son collègue, il passe aux affaires internes. Ce qu’il va dénicher ne va pas lui plaire, et plus il creuse, plus il débusque la pourriture et l’odeur délicate de la corruption. Les apparences sont trompeuses et il va l’apprendre au péril de sa vie.
Ce qui semble de prime abord un mince scénario s’avère touffu et complexe. La trame narrative se déroule sur plusieurs niveaux pas toujours faciles à suivre, du moins au début. Terry Laws est mort dans la violence et l’enquête que mène Hood pour découvrir le meurtrier l’amène à des révélations de plus en plus troublantes sur son ex-collègue. La piste de l’argent, d’abord, révèle rapidement que le défunt vivait bien au-dessus du maigre salaire de shérif adjoint. Il doit alors se méfier de tous les collègues de Laws. La malhonnêteté vient rarement sans complices.
Charlie Hood est un policier intègre, donc un peu barbant. Ce n’est pas lui qui donne la couleur au récit. Cette portion importante du polar revient aux personnages secondaires, principalement le ripou en chef Coleman Draper, un jeune bourgeois fortuné qui est aussi shérif de réserve pour le modique salaire annuel de 1 dollar et qui profite de son statut pour s’enrichir davantage, usant du titre pour faciliter son passage hebdomadaire entre le Mexique et la Californie transportant tantôt la drogue, tantôt les narcodollars.
Le polar de Parker aborde avec réalisme les thèmes du désir et des envies. Ce sont les rouages qui conditionnent toutes les actions du personnage de Draper. Orphelin, unique survivant d’un incendie ayant emporté son enfance et sa famille, il s’est reconstruit comme il a pu, prenant tous les moyens pour parvenir à ses fins. Coleman Draper assume les manières légales et les moyens illicites, sans distinction. Le bien et le mal n’ont pas d’existence. Il y a les femmes, l’argent, les voitures, les maisons et le luxe. Tout est bon à prendre si l’envie vous y pousse. Tout ce qui peut se mettre en travers est donc nuisible et bon à écarter, définitivement et sans remords. Succomber à ses désirs devient un mode de survie dans une ville corrompue ou règnent les gangs de rue et les dealers de tout acabit. Les Chiens du désert est une plongée tète première dans un univers qui grouille dans la délinquance et où chacun tire son épingle du jeu selon ses facultés.
Draper est hautement dangereux. Aussi intelligent que retors, sa philosophie se résume à « chacun sa manière de traverser le monde » !
L’écriture de T. Jefferson Parker est limpide et lumineuse. Les phrases sont comme des jets de lumière mettant en relief certains éléments de l’intrigue avant de les révéler entièrement pour nous éblouir! Deux fois récipiendaire du prestigieux grand prix Edgar-Allan-Poe couronnant le meilleur roman policier américain, l’auteur est en voie de devenir l’un des grands dans son domaine. Les Chiens du désert ne va certainement pas nuire à cette renommée ascendante.
À travers le récit se profile une certaine image de l’Amérique, celle de l’Ouest. Le Far West. Urbain et désertique à la fois. Le pire ennemi vient souvent de l’intérieur et la faille trouve sa source dans les droits constitutifs. En cela, ce polar ne raconte pas uniquement le duel Charlie Hood contre Coleman Draper, mais surtout l’Amérique contre l’Amérique.
T. Jefferson Parker ne se pose pas en champion de la moralité avec son personnage. Il ne fait qu’exposer les faits sans prendre position, ce qui en dit bien assez.
Chasse à la pourriture, à la corruption. La drogue, l’argent illicite, la richesse mal acquise. Les Chiens du désert est une histoire efficace et nécessaire en ces temps de turbulence. Une histoire qui fait du bien aux honnêtes gens. Une histoire malgré tout.
T. Jefferson Parker, Les Chiens du désert, Éditions Calmann-Lévy (janvier 2013), (The Renegades 2009), traduit de l’anglais par Philippe Loubat-Delranc. 362 Pages.