«Malphas 3 : Ce qui se passe dans la cave reste dans la cave» de Patrick Senécal : quitte ou crève
Sous le couvert d'un amusement fantasque, d'un polar rocambolesque servi dans une sauce qui mélange avec bonheur le fantastique et l'horreur, se profile un regard critique de notre société, de l'éducation : ceux qui la suivent et ceux qui la mènent (la minent). L'ironie de Patrick Senécal s'assombrit et Malphas 3: Ce qui se passe dans la cave reste dans la cave esquisse un large rictus.
Ce troisième (et avant-dernier) tome de la série Malphas est l'occasion pour l'auteur de réunir les forces en présence afin de s'enligner sur une conclusion qui risque d'être explosive. Les aventures précédentes du professeur Julien Sarkozy et de l'apprenti journaliste Simon Gracq ont réveillé des forces obscures qui font maintenant sentir leur présence en permanence. Sarkozy parvient à visiter la cave du cégep Malphas et découvre l'expérience en cours et les monstruosités qui en découlent. Cette visite va toutefois lui attirer encore plus d'ennuis qu'auparavant, plus qu'il ne peut en supporter. Sa vie est maintenant menacée de toute part et l'option de quitter son emploi et le bled de Saint-Trailouin semble la seule possibilité afin de rester vivant.
Cette saga Malphas prend des tournures d'hécatombe alors que les personnages secondaires périssent dans des conditions loufoques. La mort rôde et il vaut mieux éviter de fréquenter les gens qui souhaitent la mort des autres à haute voix. L'impact peut être assez subit!
Le narrateur laisse libre cours à son ironie acérée et mord sans retenue dans à peu près tout ce que le Québec compte de démagogues journalistiques, pleurnicheurs des ondes et autres vertueux des cotes d'écoute. Comme l'ensemble de l'œuvre se déroule dans un cégep, le système d'éducation et la culture « fast-food » en prennent pour leur rhume.
Il s'agit toujours d'un roman hybride, un mélange de plusieurs genres littéraires. Cependant, la portion enquête est moins présente que précédemment alors que le fantastique et l'horreur prennent de plus en plus de place. À l'évidence, il y a toujours dans le texte un humour très premier degré. Néanmoins, Patrick Senécal, plus assuré dirait-on, puise maintenant à toutes les formes : ironie, sarcasme, satire, raillerie.
Ce troisième tome de Malphas ressemble davantage à un pamphlet voltairien qui, sous le couvert d'une certaine légèreté, exprime bien autre chose : une virulente charge contre la paresse intellectuelle, une débauche sauvage, orgiaque et libératrice sur le flanc mou de la culture mâchouillée, rejoignant une thématique explorée avec Le Vide.
Une petite faiblesse pourtant, qui me retient de clamer à la grande réussite : l'usage du lapin tout droit sorti d'un chapeau, une manœuvre qui amène au dénouement d'une impasse, certes, mais qui n'était pas nécessaire et devient une sorte de maladresse (spécifiquement, il s'agit du chapitre qui mène à la découverte du bistro La Bibliothèque).
Patrick Senécal se considère d'abord comme un raconteur d'histoires, ce qui est très bien, et pas faux du tout. Cet imaginaire débridé qui nous est livré dans un style vif et sans détour est aussi la marque d'un grand écrivain.
Patrick Senécal, Malphas 3. Ce qui se passe dans la cave reste dans la cave, Éditions Alire. Août 2013. 562 pages. Papier, Epub et Pdf.
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